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Bibliothèque d’État Lénine

Située à proximité de la rue Arbat, en face du Kremlin, la bibliothèque d’Etat Lénine, que les Russes surnomment parfois affectueusement « Leninka » est la plus grande bibliothèque de Russie. Cet immense bâtiment, emblématique de l’architecture soviétique, abrite aujourd’hui une collection de plus de 47 millions d’ouvrages, fruit d’une histoire aussi mouvementée que celle de son pays. Ce sanctuaire de littérature et d’histoire est un incontournable de Moscou.

Estimation du temps de lecture : 10 minutes

Adresse :Vozdvizhenka ulitsa, 3/5
Fin de construction :1942
Architectes :Vladimir Alexeïevitch Schuko
Style :Monumentalisme soviétique et le néoclassicisme
Site officiel :www.rsl.ru

Fondation de l’une des plus grandes collections au monde

Une collection au service « de la patrie et de l’instruction »

L’histoire de l’une des plus grandes bibliothèques nationales du monde débute au milieu du XIXe siècle, avec la création à Saint-Pétersbourg d’une immense collection débutée par le comte Nikolaï Petrovitch Roumyantsev (diplomate, chancelier, et président du Conseil d’État). Rêvant d’un musée consacré à l’identité russe, dans ses aspects historiques comme artistiques, il rassemble des ouvrages littéraires compile les chroniques des anciennes villes russes, fait éditer des manuscrits en langue russe ancienne, étudie les us et coutumes de tous les peuples de Russie.

À sa mort, son frère, Serguei Petrovich Roumyantsev, fait don à l’État d’une immense bibliothèque (contenant plus de 28 000 volumes), et de sa petite collection de peintures, au service « de la patrie et de l’instruction ». Les collections du comte Roumyantsev deviennent lors la base de la collection du Musée Roumyantsev, fondé le 22 mars 1828 par un décret de l’empereur Nicolas Ier.

En 1845, ce musée devient une partie de la bibliothèque publique impériale. Le prince Vladimir Fyodorovitch Odoevsky (écrivain, musicologue et philosophe) en devient le conservateur, et la collection continue d’augmenter : en 1853, elle réunit 966 manuscrits, 598 atlas, et plus de 32 000 ouvrages imprimés, ayant suscité l’intérêt de 256 de visiteurs.

Déménagement à Moscou et augmentation de la collection

Cependant, l’état du musée laisse à désirer : les collections sont rarement renouvelées. Odoevsky est donc chargé de préparer une note sur la possibilité de transférer le musée à Moscou dans l’espoir d’y toucher un public plus large. Cette note parvient au syndicat scolaire du district de Moscou, dirigé par le général Nikolaï Vassilievitch Isakov, qui donne son feu vert. Une résolution concernant le déplacement du musée est votée par le Conseil des ministres le 23 mai 1961. C’est à ce moment que commence la systématisation des catalogues de la collection.

C’est la maison Pashkov, l’un des bâtiments les plus célèbres de Moscou, située en face du Kremlin, qui est affectée à l’hébergement de la collection : elle contenait déjà les ouvrages de la bibliothèque publique de Moscou. En 1862, le tsar signe ce qui sera alors le premier règlement concernant les musées publics en Russie, et Isakov devient le directeur des deux collections réunies. Outre la bibliothèque publique, les musées publics de Moscou et Roumyantsev fondent les départements des manuscrits, des livres rares, des antiquités chrétiennes et russes, des beaux-arts, de l’ethnographie, de la numismatique, de l’archéologie et de la minéralogie.

Tous les Moscovites sont alors appelés à contribuer par des dons à la création de ce nouveau musée. Ainsi, les fonds du Musée public de Moscou et du Musée Roumyantsev s’enrichissent de plus de 300 collections de livres et de manuscrits inestimables. Ces dons deviennent la source la plus importante de réapprovisionnement de la collection.

Un an et demi après la fondation du musée à Moscou, le stock de la bibliothèque s’élevait déjà à 100 000 articles : au 1er janvier 1917, on en compte 1 200 000. 80 % de ce stock est constitué des copies de chaque nouvel ouvrage publié sur le territoire russe, conformément au statut de bibliothèque publique.

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L’apparition du Messie du peintre Alexandre Andreïevitch Ivanov

L’un des principaux donateurs est l’empereur Alexandre II, qui, outre ses nombreux livres, a fait don d’une grande collection de gravures de l’Ermitage, et de plus de 200 peintures, dont l’immense tableau L’apparition du Messie du peintre Alexandre Andreïevitch Ivanov. Une salle consacrée à l’exposition de ces œuvres d’art, la salle Ivanov, est ouverte au public en 1915.

Période soviétique

Après la Révolution de 1917

Dès les premiers moments de la Révolution de février, de nombreuses institutions culturelles changent de fonctionnement. C’est donc le cas de notre bibliothèque, qui transfère le pouvoir de décision au directeur du conseil du musée, alors qu’il était auparavant détenu par un directeur nommé par le pouvoir impérial.

Bibliothèque Lénine

Le personnel du musée et de la bibliothèque réussit à sauver la majorité des ouvrages et des collections de la destruction qui suit le tumulte des révolutions. Entre 1917 et 1922, moment où s’effectue une nationalisation massive des collections privées, la bibliothèque reçoit plus de 500 000 livres, issus de 96 bibliothèques privées démantelées. Le fonds passe alors à 4 millions d’ouvrages. En 1921, la bibliothèque devient le dépôt de livres de l’État, et s’instaure un nouveau système d’emprunts. Elle reçoit désormais deux exemplaires de chaque ouvrage publié sur le territoire de l’Etat, ce qui permet de fournir aux lecteurs des livres à la fois dans la langue originale des peuples de l’URSS, mais aussi dans leurs traductions russes.

La Bibliothèque d’Etat Lénine

Au début des années 1920, tous les objets n’étant pas des livres (tableaux, numismatique, porcelaine…) sont transférés vers d’autres musées. Le musée Roumyantsev est liquidé en juillet 1925, ses collections étant désormais détenues par ce qui prend le nom de bibliothèque d’État de l’URSS, nommée en hommage à Lénine.

Dans les années 1920 et 1930, cette dernière devient la principale institution scientifique, faisant figure de la plus grande base d’informations du pays. Son conseil administratif prend de plus la tête de l’Institut de bibliothéconomie, gérant la formation du personnel des bibliothèques d’URSS, jusqu’en 1934, où cette école de bibliothécaires devient une institution indépendante.

La bibliothèque Lénine continue son expansion : en 1941, elle contient plus de 9 millions d’ouvrages. Ses 1200 employés et six salles de lectures et accueillent des milliers de lecteurs par jour. Un nouveau bâtiment est conçu par l’architecte Vladimir Alexeïevitch Schuko : il est situé en face de la maison Pashkov, et prévu pour contenir plus de 20 millions d’ouvrages.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la bibliothèque poursuit son travail d’acquisition et stockage des collections sans discontinuer, en commençant le transfert dans le nouveau bâtiment. En 1942, la bibliothèque échange des livres avec 16 pays différents, commence à rassembler les publications universitaires, et ouvre même une salle de lecture pour enfants.

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La période de modernisation

Le 29 mars 1945, la bibliothèque d’Etat devient la seule bibliothèque à être décorée de l’ordre de Lénine pour ses services exceptionnels rendus en matière de conservation et de diffusion du patrimoine littéraire soviétique. Après la guerre, le déménagement continue, avec le développement d’une nouvelle logistique, plus moderne, pour le catalogage des documents.

En 1947, on met pour la première fois à la disposition des lecteurs un service de photocopies, et on ouvre une petite salle destinée au visionnage de films documentaires. De nombreuses salles de lectures sont également ouvertes au public : au milieu des années 1960, on en compte 22, avec un total de 2330 places assises. Les inscriptions temporaires sont facilitées pour les chercheurs et les étudiants.

En 1983, on ouvre une salle d’exposition permanente consacrée au Musée du Livre. L’organisation de la bibliothèque se complexifie, avec la création de nouveaux départements, consacrés à la musicologie, à la technologie, à la cartographie, à la littérature russe de l’étranger, à la classification bibliographique. Les collections dédiées à la jeunesse sont déplacées dans d’autres bibliothèques d’Etat de la ville de Moscou, spécialisées dans la littérature jeunesse, afin de laisser la place aux nouveaux arrivages issus de dons internationaux et aux nouvelles parutions.

Les changements dans le pays liés à la fin de l’URSS ne sont pas sans affecter la bibliothèque principale du pays. La bibliothèque d’Etat de l’URSS Lénine devient bibliothèque d’Etat russe en 1992— mais ne perd pas son surnom de « Léninka », et l’arrêt de métro adjacent conserve son nom historique de « Biblioteka Imeni Lenina » (littéralement « Bibliothèque portant le nom de Lénine »).

Léninka aujourd’hui

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Le fonds de la bibliothèque s’élève aujourd’hui à plus de 47 millions d’ouvrage, principalement en langue russe, mais également en français. Elle se positionne donc en cinquième position sur le podium des plus grandes bibliothèques au monde (en terme de taille de la collection), après la Bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis, la British Library à Londres, la Bibliothèque publique de New York, et la Bibliothèque Nationale du Canada. Depuis le 1er janvier 2017, la Bibliothèque d’État de Russie reçoit des exemplaires de toutes les nouvelles publications sous leur format électronique, en plus du format papier. Des ordinateurs sont mis à dispositions des visiteurs pour localiser les ouvrages qu’ils recherchent dans la bibliothèque.

Il est donc facile d’imaginer, et on les voit bien de l’extérieur, les dimensions gigantesques du bâtiment : celui-ci ne compte en effet pas moins de dix-neuf étages dédiés aux rayons de livres, sur des étagères dont la longueur avoisine le kilomètre. Les collections sont approvisionnées toutes les semaines : on y trouve donc une variété considérable, allant des plus anciens manuscrits aux plus récentes publications littéraires ou historiques.

Depuis 2016, toute personne âgée de plus de 14 ans est en mesure d’obtenir une carte de bibliothèque, et d’accéder aux 36 salles de lecture. Environ cent mille nouveaux utilisateurs sont ajoutés au registre chaque année.

Au 1er janvier 2010 la collection comprend :

  • Livres et brochures : 17,5 millions
  • Magazines et revues : 13 millions d’unités et 240 000 titres
  • Éditions vivantes : 1,4 million d’unités
  • Journaux : 683 900 tomes annuels et 50 000 titres
  • Pièces et enregistrements musicaux : 372 000
  • Cartes et plans : 150 700 (ou 250 000)
  • ‘Isoéditions’ : 1,3 million
  • Estampes et photographies : 1,1 million, dont 400 000 affiches, 400 000 cartes postales et 100 000 gravures
  • Littérature technique spécialisée : 2,3 millions
  • Thèses : 976 100
  • Manuscrits et archives : 561 100, dont 500 000 manuscrits
  • Objets d’arts et de culture : 13 500
  • Documents audiovisuels : 35 700
  • Microformes : 3,3 millions
  • Documents électroniques : 29 200

Visiter la bibliothèque

L’entrée est gratuite, il suffit de se présenter à l’accueil et de passer les contrôles de sécurité. Après avoir admiré l’imposante statue de l’écrivain Fyodor Dostoievski, installée devant l’entrée principale depuis 1997. Le site de la bibliothèque affirme qu’en moyenne cinq personnes par minute passent la porte du bâtiment.

bibliothèque Lénine

La visite peut se faire assez rapidement, si l’on n’a pas d’ouvrage en particulier en tête : tout juste le temps d’apprécier l’architecture et les dizaines de millions de livres ayant traversé les époques. Depuis 1916, on peut admirer la nouvelle salle Ivanov, inaugurée sur les fondations de la galerie d’art du musée Roumyantsev. Elle contient certaines des œuvres d’art exposées dans l’ancien musée avant la période soviétique, et représente aujourd’hui le principal espace d’exposition de la bibliothèque, qui organise également des expositions temporaires.

Les cinéphiles avertis reconnaîtront de plus dans les lampes vertes de la salle de lecture numéro 3 le décor d’une scène du film culte Moscou ne croit pas aux larmes (1980) : elle y est en effet mentionnée comme un lieu intéressant pour les jeunes filles soviétiques cherchant à faire la connaissance des jeunes hommes faisant de prestigieuses.

Si l’on veut profiter des salles de lecture pour faire quelques recherches, ou simplement lire un peu, l’inscription se fait elle aussi gratuitement, nécessitant seulement la présentation de son passeport. Attention : les ouvrages ne peuvent être consultés que sur place, sans emprunt, mais il est tout à fait possible d’utiliser le matériel moderne mis à disposition pour faire des photocopies, et ramener un peu d’histoire à la maison. Il est également possible de participer, sur demande, à une visite guidée des collections : toutes les informations sont à disposition au bureau d’accueil de la bibliothèque.

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