Le domaine d’Arkhangelskoye (En russe : Усадьба Архангельское) est un ensemble architectural et artistique exceptionnel de la fin du XVIIIe siècle. Plusieurs générations d’artisans, d’architectes et d’artistes talentueux ont œuvré à la création de ce chef-d’œuvre. Le musée recense une riche collection de porcelaines et de faïences, ainsi que des peintures occidentales et européennes du XVIIe au XIXe siècle.
De primes abords, le domaine d’ Arkhangelskoye n’est pas typique des provinces de Moscou. Les bâtiments nous transportent en Italie peut-être même en France au travers de leurs terrasses et de leurs chemins entrecoupés. Jamais vous ne vous seriez imaginés être à proximité de la capitale russe.
De nombreux palais seigneuriaux et des résidences d’été ont été construits au cours du siècle d’Élisabeth et de Catherine II ; certains d’entre eux comme Kouskovo ou Nadezhdino étaient encore plus grands qu’Arkhangelskoye mais aucun ne faisait ressortir cette part de noblesse, si prisée à l’époque. La mode, en ce temps, était de se rapprocher du modèle occidental et Arkhangelskoïe la représente comme nulle part ailleurs.
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Infos pratiques
Adresse
Village d’Arkhangelskoye
Horaires
Le parc
Tous les jours de 10h00 à 20h00
Le Palais
Du mercredi au dimanche de 10h00 à 17h00
Les colonnades et l’aile ouest du palais
Du mercredi au dimanche de 10h00 à 18h00
Tarifs
300 RUB Parc
400 RUB Parc + palais
50 RUB Colonnades
200 RUB Aile ouest
350 RUB Audioguide
Tarif préférentiel pour les étudiants, retraités, -18 ans, handicapés…
Excursions toutes les heures de 13h à 16h
Site internet
Site officiel du domaine
L’histoire du domaine d’Arkhangelskoye
Le domaine d’Arkhangelskoïe est connu de sources écrites depuis l’époque d’Ivan le Terrible. Pendant trois siècles, il a appartenu respectivement aux princes, Sheremetiev, Odoevsky, Golitsyn et Yusupov. C’est au tournant des XVIIIe et XIXème siècles que l’ensemble architectural et les parcs de style classique sont apparus.
Au début des années 1640, le village qui comptait une centaine d’âmes fut acheté par le boyard Fedor Sheremetev avant de passer rapidement dans les mains des princes Odoevsky qui érigèrent la première église en pierre. Aux alentours tous les bâtiments étaient en bois (écurie, bania, cuisines…).
Au tout début du siècle des Lumières, le prince Dmitri Mikhaïlovitch Golitsyn, petit fils d’Andrey le fondateur de cette grande dynastie russe récupère le domaine. Respectivement responsable du service auprès de Pierre le Grand, puis gouverneur de Kiev avant d’être le conseiller secret de Catherine Ier. Avec toutes ces fonctions il n’a jamais trouvé le temps de se rendre à Arkhangelskoye.
Après la mort de Pierre II, Dimitri Golitsyn s’arrange avec l’aristocratie pour réduire les pouvoirs de l’impératrice Anna Ioannovna. Accusé « d’intentions criminelles visant à priver l’impératrice du pouvoir » il se réfugie à Arkhangelskoïe où il fait construire le palais, la serre et une partie des jardins. En 1736, sur ordre d’Anna Ioannovna, il fut arrêté et emprisonné dans la forteresse de Shlisselburg, où il mourut en 1737. Le domaine, ainsi que d’autres propriétés, furent confisqués au profit du trésor public.
Quelques années après cet événement, le domaine retourne aux mains de la famille. Le petit-fils de Dimitri, Nikolaï Alexeïevitch Golitsine grandit en Suède avant de partir étudier à l’Université de Strasbourg. S’ensuit un long voyage à travers l’Europe (Suisse, Italie, France, Angleterre, Hollande, Allemagne, Autriche) et des missions diplomatiques pour le compte de l’impératrice Catherine II à la fin du XVIIème siècle. C’est à son retour que les choses sérieuses commencent pour le domaine.
Il commence par faire venir un ingénieur suédois, Johann Erik Norberg pour construire deux barrages sur la rivière Goryatinka qui se jette dans la Moskova. Les étangs ainsi créés vont servir de réservoir pour deux machines hydrauliques qui alimenteront en eau le parc, les serres, le potager, les écuries, les maisons et les bâtiments résidentiels. C’est à ce moment que les fontaines prennent vie.
Le Palais d’Arkhangelskoye
En 1780, à Paris, le prince acquiert le projet de l’architecte français Jacques Jacob Gern : le palais d’Arkhangelskoye devient son incarnation. La construction commence en 1784 pour s’étendre sur 25 ans, mais en raison de difficultés financières, sa décoration n’était toujours pas terminée en 1809, lorsque Golitsyn décéde. La veuve du prince se sépare du domaine en octobre 1810, au profit du prince Nikolai Borisovich Yusupov.
L’abondance de portes et de fenêtres vitrées indique qu’il s’agit d’un palais d’été. Les nombreuses colonnes sont une caractéristique du palais. Elles sont présentes sur toutes les façades, donnant à un bâtiment plutôt monumental légèreté et élégance.
Au centre de la façade principale et des façades latérales, quatre colonnes romaines-ioniques forment des portiques. Des colonnades de quatorze paires de colonnes toscanes organisent la transition entre la façade nord de la maison et les ailes. Les mêmes colonnes jumelées soutiennent les balcons de l’étage supérieur des façades latérales. Six fausses colonnes sur la façade sud décorent les portes de la demi-rotonde en saillie. Enfin, huit paires de colonnes romaines-corinthiennes encadrent le dernier belvédère. Une autre caractéristique du palais est la hauteur différente de ses étages. Sur la première, plus élevée, se trouvaient les salles de cérémonie, et sur la seconde – les salons et la bibliothèque.
Le projet Gern a été mis en œuvre, développé et complété par des maîtres russes, dont les architectes moscovites Osip Bove, Stepan Melnikov, Evgraf Tyurin, l’architecte serf Vasily Strizhakov. Dans les années 1820 l’ensemble du palais comprenait le bâtiment principal, appelé la «grande maison», les colonnades, les ailes d’angle et l’arc d’entrée de la cour principale.
Dans le même temps, la décoration intérieure a été créée. Les peintures des plafonds et des murs ont été réalisées par Giuseppe Artaripo, d’origine suisse, surnommé Colombo et Pietro Ruggia. Dans la plupart des salles de cérémonie, une peinture en grisaille est utilisée, qui imite le relief en utilisant des nuances de la même couleur. Des peintures multicolores ont également été utilisées. Les subtilités des éléments géométriques et végétaux, les ornements et attributs antiques, les motifs égyptiens sont caractéristiques du style Empire.
Le palais, qui a survécu aux épreuves de la guerre de 1812 et de l’incendie de 1820 fut la fierté des Yousupov. jusqu’à son dernier propriétaire la princesse Zinaida Nikolaevna Yusupova.
De 1896 à 1914, l’ensemble du palais a été rénové et complété avec la participation des architectes Alexander Stepanov, Nikolai Sultanov et Peter Kharko. Le décor ornemental de plusieurs intérieurs a été complété par le peintre Ignatius Nivinsky. Les changements ont été intégrés avec tact dans l’image existante du Palais.
En 1918, le domaine est nationalisé et devient un musée.
Le parc d’Arkhangelskoïe
Le parc du palais est l’une des plus belles œuvres d’art paysager de Russie. Dans la composition et la beauté harmonique, il est presque sans défaut et reflète les goûts de différentes époques, l’influence de diverses traditions. La logique stricte et l’équilibre dans l’architecture et la composition du parc rendent Arkhangelskoïe similaire aux jardins de la Renaissance italienne et aux parcs réguliers français. Ses bosquets paysagers semblent avoir été dessinés par un architecte paysagiste anglais.
Le Grand Parterre est un immense rectangle (240 × 70 m), entouré de treillis verts, de ruelles et de statues de marbre rythmiquement alternées, forme un espace libre, étonnant de noblesse et de puissance.
Les colonnades du temple de l’Archange Michel
Lorsque le fils aîné de la princesse Zinaida Yusupova mourut en duel en 1908, il y fut décidé d’ériger une nouvelle tombe à Arkhangelskoïe au nom de Saint-Nicolas. Le projet fut confié à l’éminent architecte russe R.I Klein, maître des styles historiques. Il est entre autres l’architecte du GUM, du pont Borodino et du Musée d’État des beaux-arts Pouchkine.
Derrière les colonnades près de l’église de l’Archange Michel, la sœur de Zinaida Nikolaevna, décédée en 1888, est enterrée.
Le théâtre Gonzaga
Le bâtiment du théâtre a été créé par l’artiste italien Pietro di Gottardo Gonzaga. Il est l’un des rares théâtres au monde a n’avoir subit aucune modification. Non seulement les éléments de la décoration de l’auditorium et la machinerie théâtrale ont survécu, mais aussi le décor original de Gonzaga. Celui-ci n’a été conservé dans aucun autre théâtre européen.
L’hommage de Pouchkine
En 1903, les propriétaires du domaine ont immortalisé la mémoire d’Alexandre Pouchkine, qui a visité le domaine à deux reprises. En 1827, le poète et son ami, le célèbre bibliophile S.A. Sobolevsky se rendirent à Arkhangelskoïe à l’invitation de N.B. Ioussoupov. Le maître souhaitait leur montrer sa collection d’art et son immense bibliothèque. Deux ans plus tard, Alexandre Pouchkine écrit ce message:
…en marchant sur le pas de votre porte,
Alexandre Pouchkine
Je suis soudain transporté dans les jours de Catherine,
Librairie, idoles et peintures,
Et les jardins minces me disent
Que vous favorisez la muse en silence…